Juger la qualité des cosmétiques grâce aux applications
Dans leur communication, toutes les marques de cosmétiques vantent les bienfaits de leurs soins beauté et leur engagement pour la planète. Réalité ou communication mensongère ? Des applications mobiles affirment pouvoir répondre à cette question en analysant la composition des produits. Parmi ces applications de consommation responsable on peut citer Yuka, à la base conçue pour les produits alimentaires et qui note également les produits cosmétiques et Inci Beauty, spécialisée dans la cosmétique et la beauté.
Mais peut-on faire confiance à ces applications ?
Yuka, l’application aux 16,5 millions d’utilisateurs
Comment ça marche ?
L’application symbolisée par une carotte, qui se revendique comme indépendante, juge la qualité des produits en scannant leur code barre et en les notant avec une note sur 100 et un code couleur qui va du rouge au vert. Pour l’alimentaire, la note de Yuka dépend à 60 % du nutriscore, à 30 % de la présence d’additifs et à 10 % de son caractère bio. Dans la cosmétique aussi le bio et la présence d’additifs sont pris en compte. Chaque ingrédient présent dans la composition du produit de soin est évalué en fonction de ses effets potentiels sur la santé ou sur l'environnement : perturbateur endocrinien, cancérigène, allergène, irritant ou polluant.
Elle a pour vocation de pousser les industries alimentaires et cosmétiques à assainir leurs produits et d’aider ses utilisateurs à mieux consommer. Et ça marche ! 9 utilisateurs de Yuka sur 10 renoncent à acheter un produit s’il est trop mal noté (en rouge).
L’impact de Yuka sur les marques
Dans une société en demande de transparence et d’honnêteté, l’application Yuka et les autres du même type rencontrent un franc succès. Les marques entendent le message et évoluent pour s’adapter aux nouvelles exigences sociales et environnementales et calquer leurs actes sur leur communication RSE. Ainsi, Liebig a supprimé les arômes artificiels, l’amidon modifié et le sucre de sa gamme PurSoup’ tout en l’enrichissant en légumes et en réduisant le sel. Sa note Yuka, autrefois médiocre, est ainsi excellente aujourd’hui et Liebig a axé sa communication sur son écoute des consommateurs avec le slogan “merci d’avoir fait grandir nos soupes”.
Les limites de l’application
Yuka s’appuie sur une base de données qui mixe des sources scientifiquement fondées et d’autres qui sont plus discutables. Open Food Facts, le Nutri-Score, l’EFSA, l’ANSES, le CIRC, les labels bios AB et Eurofeuille côtoient ainsi des études indépendantes et des livres sur la nutrition et la santé.
Par ailleurs, certaines présomptions comme le fait que le bio soit un critère indispensable ou le fait de classer les arômes parmi les additifs aboutit parfois à des incohérences quant à l’évaluation de la qualité nutritionnelle d’un aliment. Par exemple un produit bio peut être mieux classé qu’un autre même s’il est plus salé par exemple.
Autre bémol à souligner dans les notes de Yuka : l’application est un peu alarmiste et applique le principe de précaution en matière d’additifs même lorsque le danger de ceux-ci n’est pas avéré. Elle ne prend pas en compte la quantité d’ingrédient contenu dans le produit ni la catégorie de personne à laquelle il est destiné. Par exemple, le phénoxyéthanol utilisé par L’Oréal dans ses crèmes est déconseillé par l’ANSM pour les fesses des bébés et sa concentration ne peut excéder 1% du produit fini. Cependant, les crèmes L’Oréal sont mal notées par Yuka. Même les marques engagées dans la lutte contre les perturbateurs endocriniens comme Caudalie ou MyLi la trouvent excessive et dénoncent l’absence de nuance entre la dangerosité et la concentration.
Enfin, l’application est parfois simpliste. Certains aliments mal notés comme le chocolat ou l’huile de colza sont mal notés alors qu’ils ne sont pas mauvais si consommés avec parcimonie dans une alimentation équilibrée.
Inci Beauty, l’application qui juge les cosmétiques
Contrairement à Yuka qui juge aussi l’alimentation, Inci Beauty est spécialisée dans l’évaluation des produits cosmétiques, maquillage, shampooing, gel douche, crèmes pour le visage, crèmes pour le corps, etc.
Comment fonctionne Inci Beauty ?
Créée par deux étudiants en chimie de l’école d’ingénieur SIGMA, l’application Inci Beauty est lancée en 2017 et disponible sur iPhone et Android depuis janvier 2018.
Comme avec Yuka, vous scannez le code barre de vos produits cosmétiques, soin du corps, du visage ou des cheveux et maquillage à l’aide de votre smartphone et l’application vous donne des informations sur leur composition. Les ingrédients dangereux sont signalés et l’application vous explique quelles sont leurs effets néfastes sur votre santé. Les ingrédients nuisibles pour l’environnement sont signalés en orange et classés dans la catégorie “pas terrible”.
Inci Beauty, une notation juste ?
Inci Beauty est plus nuancée que d’autres applications de ce type (Yuka, Que Choisir, BuyOrNot). Par exemple, le dioxyde de titane n’est signalé comme risque que s’il est présent sous forme de nanoparticules, suivant ainsi les déclarations du CIRC. D’autres applications le signalent systématiquement, quelle que soit la forme sous laquelle il est présent dans le produit.
Les limites d’Inci Beauty
Si l’application est intéressante, elle n’est cependant pas parfaite. En effet, on constate qu’un même ingrédient peut être noté différemment selon le produit dans lequel il est présent. Or l’application Inci Beauty ne précise pas la raison de cette différence. Dépend-elle des autres ingrédients présents dans la composition du soin ? De sa texture ? Aucune réponse n’est apportée à ces questions.
Ces applications de consommation responsable ont permis au consommateur de prendre leurs distances avec le discours marketing et le greenwashing des marques mais elles manquent de nuances. Elles nécessitent d’être utilisées avec discernement et bon sens par le consommateur. L’objectif est de mieux consommer pour soi et pour la planète, d’avoir une alimentation plus saine et de faire attention aux produits qu’on se met sur la peau mais aussi de garder un jugement nuancé. Aucune application n’est à ce jour capable de proposer une notation 100% exacte.